En 2013, une étude menée par deux chercheurs d’Oxford établit que “47 % des métiers seront automatisés d’ici vingt ans”. Force est de constater que la tendance est en marche : nous le constatons au quotidien, avec la disparition progressive des caissières de supermarché par exemple, ou plus récemment dans les aéroports où il est désormais possible de s’enregistrer et déposer son bagage sans la moindre interaction humaine. Mais qu’en est il des métiers plus qualifiés ? Ils échappent de moins en moins à la règle, et ce grâce (ou à cause, c’est selon) au perfectionnement de l’intelligence artificielle et en particulier du
Machine Learning, à savoir la capacité pour un robot de s’améliorer grâce à son historique et son “expérience”. Qu’en est-il du métier de l’expert-comptable ?
L’intelligence artificielle, c’est quoi ?
Marvin Lee Minsky, l’un des fondateurs du concept d’intelligence artificielle, le définit comme “la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique”. Le concept d’intelligence artificielle existe depuis les années 50, mais prend un essor particulier depuis les années 2010, grâce à 3 facteurs :
- L’essor sans précédent des puissances de calculs des ordinateurs
- L’explosion des volumes de données disponibles et exploitables avec le Big Data
- L’apprentissage automatique (“machine learning”) qui permet aux programmes d’apprendre seuls, de s’auto-améliorer.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Nous disposons aujourd’hui de programmes suffisamment puissants pour traiter seuls de grands volumes de données et d’en tirer des analyses pour évoluer.
L’intelligence artificielle grignote progressivement le métier d’expert-comptable
Il n’existe actuellement
aucune intelligence artificielle susceptible de remplacer intégralement le travail d’un expert-comptable. Cela tient sans doute à une question de priorité : le domaine de la comptabilité est encore peu exploré par les grands noms de l’IA. Mais cela ne durera sans doute pas éternellement, en particulier parce que le métier comptable est particulièrement bien adapté à l’IA et au
Machine learning.
Automatiser les tâches manuelles…
En effet, les opérations de saisie et de tenue comptable, missions traditionnelles d’un expert-comptable, peuvent aujourd’hui largement être automatisées grâce aux nouvelles technologies. L’intelligence artificielle est particulièrement efficace sur des tâches techniques et manuelles qui peuvent facilement être industrialisées. Les robots sont ainsi capables de reconnaître et de collecter directement les factures à partir des boîtes mail professionnelles, tout en extrayant automatiquement des champs clés telles que la TVA, la date, le montant, etc.
L’IA serait également capable de réaliser de l’imputation automatique, grâce notamment à la reconnaissance de caractères, et d’adapter le plan comptable en fonction de l’activité, des factures reçues, etc. Les logiciels utilisés dans la sphère comptable sont nombreux à intégrer l’intelligence artificielle dans leurs fonctionnalités. Par exemple, le logiciel de traitement des notes de frais
Expensya est capable, lorsque l’on prend en photo une facture par exemple, d’en détecter automatiquement le contenu avant de l’envoyer à l’expert-comptable. La donnée ainsi extraite est automatiquement indexée et prêt à être imputée. Ce gain de temps est rendu possible par le
machine learning : plus l’application est utilisée, plus la détection sera optimale.
…mais également prendre des décisions stratégiques ?
Mais il n’y a pas que la tâches manuelles qui sont concernées. Des algorithmes de plus en plus complexes sont désormais capables de compiler et d’analyser de gigantesques volumes de données et d’en déduire des prévisions précises.
Grâce au Big Data, l’algorithme est nourri de données, et devient progressivement plus performant. Une étude publiée par Blackline en 2017 auprès de 900 professionnels des secteurs financiers et comptable révèle que pour 46% des sondés en France, l’IA aura suffisamment évolué d’ici dix ans pour permettre de
prendre des décisions stratégiques.
L’application
Tiime annonce ainsi être capable, en analysant les comptes bancaires, d’anticiper l’évolution de la trésorerie ou à identifier des dispositions fiscales avantageuses. L’étude menée par l’université d’Oxford estime que la
fonction comptable a 94% de chances d’être à terme remplacée par une machine.
Effrayant ? La simple prise de rendez-vous est désormais automatisable : la start-up
Julie Desk propose ainsi un programme d’intelligence artificielle qui s’occupe de la prise de rendez-vous en envoyant par email les créneaux disponibles à chaque participant en fonction de leur agenda !
L’intelligence artificielle ne peut pas tout faire !
Un robot ne peut pas (encore) tout faire ! L’étude de l’université d’Oxford a ainsi identifié neuf qualifications professionnelles pour l’instant inaccessibles : clairvoyance sociale, négociation, persuasion, assistance à autrui, originalité, sens artistique, dextérité manuelle demeurent des compétences qui nous distinguent.
Qu’attendre de l’intelligence artificielle ?
Au delà de la saisie comptable, l’IA pourra à terme mener des analyses intelligentes, produire des rapports d’analyse statistique, ou encore une étude d’impact global sur le cabinet. L’intelligence artificielle pourra se révéler une alliée précieuse pour un expert-comptable pour exploiter intelligemment les milliers de données éparses qu’il conserve sur ses clients et/ou prospects. Par exemple, pour évaluer lors d’un changement législatif de telle ou telle nouvelle disposition sur ses clients.
Vers plus d’accompagnement et de conseil ?
On peut envisager l’intelligence artificielle de deux façons pour un expert-comptable : soit comme une concurrence et une menace, soit comme un vivier d’opportunités à saisir. C’est bien sûr la seconde que nous encourageons ! Face à l’intelligence artificielle, il est clair que le métier d’expert-comptable doit évoluer. Les aspects manuels de la profession vont progressivement et inéluctablement disparaître, remplacés par des programmes de plus en plus efficaces. Cela va permettre à l’expert-comptable de se dégager du temps en s’évitant des tâches qui, il faut bien l’admettre, ne sont pas les plus exaltantes de sa fonction. L’expert-comptable dispose de temps pour mieux accompagner la transformation des organisations avec du conseil à plus forte valeur ajoutée.
Savoir-être et “
soft skills” (empathie, créativité, motivation, intelligence émotionnelle…) deviennent des compétences-clés plus importantes que le savoir-faire et les compétences analytiques. Aide à la gestion, contentieux, recrutement, juridique : de nombreux entrepreneurs et dirigeants attendent de leur expert-comptable un accompagnement dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment, et de les aider à réduire l’incertitude au quotidien. 9 chefs d’entreprise sur 10 qualifient leur expert-comptable de “professionnel de confiance” (Source : Marché de la Profession Comptable – 2017) : un rôle de confiance qu’une machine est encore loin, très loin, de pouvoir remplir !